Eko Nugroho est l’un des artistes les plus actifs de la scène artistique indonésienne contemporaine. Exposé dès 2008 au National Museum de Singapour, son travail n’a ensuite cessé d’être présenté dans de prestigieuses institutions et manifestations internationales lors d’expositions individuelles et collectives.
L’artiste a 20 ans lorsqu’en 1998, le régime autocratique du président Suharto, en place depuis 32 ans, tombe, renversé par des manifestations étudiantes lors de violentes émeutes. Eko Nugroho fait partie de la génération d’artistes qui fait ses débuts durant cette période de transition démocratique et s’essaye à diverses pratiques dans un contexte de libération brutale de la parole.
Son travail s’inscrit d’emblée dans une démarche pluridisciplinaire : dessins, peintures, sculptures, installations, interventions dans l’espace public. Ce faisant, il revisite de nombreuses traditions artistiques indonésiennes (batik, broderie, théâtre d’ombres) tout en y introduisant d’autres modes de création, ceux de la contre-culture contemporaine : bande dessinée, fanzine, street art, animation.
Une ribambelle d’extraterrestres hybrides et d’ovnis peuplent ainsi l’imagerie d’Eko Nugroho depuis les premières années de sa carrière. Ces figures symboliques, mi-hommes mi-machines mi-animaux, lui permettent d’évoquer des sujets plus sérieux qu’il n’y paraît et d’explorer la condition souvent absurde de l’être humain dans nos sociétés contemporaines.
Comme la plupart des artistes de Yogyakarta, son travail est fortement imprégné de contenu socio-politique. Qu’il s’agisse de démocratie, de religion d’urbanisme ou d’écologie, ses œuvres sont à la fois très critiques et pleines d’humour et d’exubérance, comme en témoignent les titres donnés par l’artiste à ses œuvres : Happy To Be Alienated, Yes We Concern About Nothing, ou encore We Are Complaining About a Future That Doesn’t Exist.
Dans cet univers, il n'y a pas de réponses faciles, pas de grands récits, ni bien ni mal, ni vrai ni faux.
Le travail d'Eko Nugroho nous tend un miroir, nous encourageant à contempler les zones grises auxquelles nous sommes confrontés dans nos vies quotidiennes, les limites de notre compréhension (et de notre incompréhension) du monde et de nous-mêmes.
Si les images ludiques et colorées sont faciles d'accès, nous invitant à faire un saut imaginaire dans le monde étrange de l’artiste, les strates d'ambiguïté et d'absurdité qu'elles portent en elles leur confèrent une dimension tant singulière qu’universelle et ouvrent sur une infinité de niveaux de lecture. « Là où nous attendions de l’exotisme, nous sommes confrontés à notre propre pluri-identité. Ce qui meut Eko, c’est non pas la dynamique moderniste ou postmoderniste de l’art contemporain, mais la nécessité de créer un lien enchanté dans un monde fragmenté » (Sébastien Gokalp, commissaire de l’exposition Témoin hybride, Musée d’art moderne de Paris, 2012)
Eko Nugroho est né en 1977 en Indonésie. Diplômé de l’Indonesian Art Institute de Yogyakarta en 2006, il expose dès 2008 au National Museum de Singapour. Son travail n’a ensuite cessé d’être présenté sur la scène internationale lors d’expositions collectives et individuelles : Contemporary Arts Centre de la Nouvelle Orléans (2008), Biennale de Lyon (2009), MOCA Shanghai (2010), ZKM Karlsruhe (2011), National Gallery of Victoria de Melbourne (2011), Musée d’art moderne de Paris (2012), Biennale de Venise (2013), Kunstverein de Francfort (2015) ou encore M+ de Hong Kong (2018). Ses œuvres sont présentes dans de très nombreuses collections publiques et privées aussi bien en Asie qu’en Europe, en Amérique et en Océanie. Il vit et travaille à Yogyakarta.