La Note Inconnue

« Dans un petit film tourné chez lui un été, Luis Bunuel fait une démonstration de sa façon de réaliser le dry martini parfait.

D'abord il prend un grand verre qu'il remplit de glaçons, il y ajoute du Noilly Prat ainsi que de l'Angostura et mélange le tout.

De cette manière les liqueurs imprègnent le glaçon de façon subtile mais décisive.

Dans un second temps, il verse le Gin sur les glaçons, mélange de nouveau et le verse dans un nouveau verre.

La note de liqueurs n'est presque plus qu'un souvenir et pourtant elle a une importance capitale dans l'équilibre du dry martini. Elle l'envoûte au point de le transformer.

Je repense souvent à cette anecdote quand, dans l'atelier je me demande quelle influence aurait eu la musique que j'écoutais sur la peinture que je faisais.

Ce petit air qui parcourt l'atelier vient forcément influencer le travail, comme un rayon de lumière insaisissable qui traverse une fenêtre. 

Que ce soit une cicatrice rock ou du Rococo disco, d'un passage au conservatoire ou plus simplement d'une relation intime et précieuse, cette note inconnue raconte quelque chose de singulier et de primordial dans le travail de chacun. 

Et si notre façon de peindre raconte notre façon d'exister alors notre relation à la musique raconte notre façon d'être vivant. »