Zhang Dali se décrit comme un artiste qui cherche « des façons d'exprimer la réalité par-delà la réalité ». Réalité d'une nation et d'un peuple qui ont connu ces dernières décennies des transformations d'une ampleur considérable. Adolescent pendant la Révolution Culturelle, étudiant à l'Académie d'Art et de Design de Pékin dans les années 80, alors que le pays s'ouvre progressivement à l'économie de marché, Zhang Dali a vu la Chine moderne se construire. Puis au début des années 90, il décide de partir vivre en Italie, à Bologne.

 

De retour à Pékin en 1995, il reçoit un choc : la ville est devenue un chantier permanent. Les hutongs, ces vieux quartiers populaires au cœur de la capitale, lieux d'un mode de vie traditionnel où le collectif joue un rôle essentiel, sont rasés systématiquement pour faire place aux immeubles et infrastructures qui accompagnent un nouveau modèle économique en plein essor.

 

Pendant des années, Zhang Dali va tracer à la bombe noire, sur les murs de ces quartiers en voie de démolition, une tête, géante, de profil. Un travail inspiré du graffiti, découvert pendant ses années italiennes, et qui fait de Zhangle premier artiste chinois à s'emparer de ce moyen d'expression associé à l'art urbain. Dialogue et Démolition sera le nom de cette entreprise au long cours — plus de 2 000 têtes au total, réalisées en grande partie entre 1995 et 1998. « J'avais besoin, dit-il, d'entrer en conversation avec la ville. »

 

Dialogue et Démolition contient en germe tout le vocabulaire, tous les grands axes que l'artiste n'aura de cesse de développer par la suite : la mémoire, l'attitude de la Chine vis-à-vis de son passé, le sort des moins fortunés, les mécanismes de pouvoir et de domination à l'œuvre dans la société. Des thèmes repris ensuite dans des travaux tout aussi ambitieux et emblématiques, parmi lesquels One Hundred Chinese, une série de moulage en plâtre à l'effigie d'une centaine de travailleurs migrants, bâtisseurs des grandes métropoles venus des régions pauvres de l'arrière-pays, nouvelles figures du prolétariat moderne. Ou bien la série AK-47, portraits de ces mêmes figures déshéritées, peints sur toile de manière photo-réaliste, à ceci près qu'ici l'image est composée entièrement par la répétition du mot AK-47, symbole de violence et de conflit par excellence.

 

Pour chaque nouveau projet, en même temps qu’il défriche de nouveaux pans des thématiques qui le préoccupent, Zhang Dali explore de nouveaux médiums. Dans A Second History, il se fait archiviste et cherche à mettre au jour des photos truquées autrefois parues dans la presse. Il pointe les falsifications, retrouve les photos originales. Inspiré par l'œuvre de l'écrivain tchèque Milan Kundera sur la Bohème communiste, Zhang ne dévoile pas seulement "une seconde histoire", mais aussi les rapports qu'entretient la fiction politique avec le réel.

 

Dans World's Shadows, c'est encore une toute autre approche qui est privilégiée. Il utilise le procédé photographique du cyanotype grâce auquel il parvient à fixer des silhouettes aux contours flous, qui paraissent diluées dans une encre bleue. On est ici dans un univers beaucoup plus rêveur, plus éthéré que les travaux précédents. Une série où la contemplation du temps passé se mue en réflexion plus large sur l'impermanence des choses, et conduit à des questionnements d'une portée universelle, par-delà le contexte de la Chine.

 

Zhang Dali est né à Harbin, au nord de la Chine, en 1963. Il est diplômé en 1987 de l’Académie Nationale des Beaux-Arts et du Design de Pékin. Artiste contemporain majeur, son travail fait régulièrement l’objet d’expositions muséales dans des lieux prestigieux comme le MoMA et le MET à New York, la Biennale de Venise ou encore le Shanghai Center of Photography. Ses œuvres figurent entre autres dans les collections du MoMA, du British Museum de Londres, ou du Museum of Fine Arts de Houston.  Il vit à Pékin.