Marion Peck Américaine, 1963

Narcisse, ou le mythe de l’image moderne

Dans une société qui se regarde et se jauge à travers des images immédiates et surtout fugaces, Marion Peck s'inscrit en réaction à tout cela. Ses peintures et ses dessins ne sont ni rapides à exécuter, la peinture à l’huile nécessitant un temps long ; ni grandes pour impressionner le visiteur ; ni évidentes à comprendre au premier regard.

L'artiste nous invite à étudier de plus près les marécages alimentés depuis des siècles par le mythe de Narcisse. De nos jours ces eaux n’en sont plus si belles et le reflet offert est très loin d’être fidèle tel que pourrait le produire un miroir. Seul point commun avec l'histoire contée par Ovide, notre société plonge, à se perdre, dans ces images faussées. Elle se noie dans ces flots sans prendre le temps d'apprécier autre chose que ses représentations sublimées.

A travers sa peinture, dont les sujets s'imposent comme inconsciemment à l'artiste, Marion Peck s'inscrit dans une tradition surréaliste, emplie de références mythologiques, construisant des légendes contemporaines. Rien n'est plus parlant que ces créatures aux formes corporelles exagérées, produits monstrueux des temps modernes. La peinture de Marion Peck traite aussi de l’inconscient, des rêves et cauchemars enfouis qui remontent à la surface.

Telles des tableaux de théâtre, ces œuvres brillent par leur justesse d'observation quant aux paradoxes qui nous entourent. Dans un monde et une culture tendant vers une uniformisation des émotions et des représentations, Marion Peck appuie par touches subtiles, là où le bât blesse, là où se trouvent les failles de la nature humaine. Surréaliste dans sa façon de peindre, le travail de Marion Peck n'en est pas moins d'un réalisme émotionnel évocateur.

-Magda Danysz

 

 

Biographie

 

Admirer le travail de Marion Peck, figure de proue du Surréalisme Pop aux États-Unis, c’est se promener à pas feutrés dans un univers sombre et fantasque, une féerie bizarre où cohabitent animaux de la forêt, créatures grotesques et enfants mélancoliques. Parfois appelé ironiquement Lowbrow Art, le Surréalisme Pop est un mouvement pictural apparu à la fin des années 70 en Californie, et dont Marion Peck et son mari, l’artiste américain Mark Ryden, se trouvent être les deux principaux représentants aujourd’hui.

 

Comme souvent chez les artistes de cette mouvance, le travail de Peck rappelle les fantaisies d’Alice au Pays des Merveilles. Ses références et ses sources d’inspiration cependant vont bien au-delà du roman de Lewis Caroll. Ses œuvres conversent avec les tableaux célèbres de la Renaissance. Parfaitement maîtrisée, sa technique, elle aussi, s'inscrit dans l’héritage direct des peintres classiques de la tradition occidentale.

 

De façon subtile, avec originalité, Marion Peck excelle à mélanger tradition picturale et contemporanéité. Car ses tableaux au fond nous parlent de nous, de notre société du divertissement, de notre industrie culturelle, de ce monde du paraître que façonnent et popularisent les médias. L’artiste renverse les codes du merveilleux associés à la magie Disney pour dépeindre des personnages visiblement fragiles, inquiets, mal à l’aise dans leurs corps disproportionnés, qui souvent appellent chez le regardeur une réponse émotionnelle ou affective. Sans y prendre garde, on finit par s’attacher à ces êtres étranges qui peuplent l’univers excentrique de Marion Peck.

 

Marion Peck nait en 1963 à Manille, aux Philippines, alors que sa famille est en voyage. Elle grandit à Seattle. En 1985 elle est diplômée de l’École de Design de Rhode Island, puis étudie les Beaux-Arts à l’Université Syracuse de New York et à l’Université Temple de Rome. Dès les années 90, elle expose dans des galeries à travers les États-Unis, puis à l’international. En France, c’est Magda Danysz qui la première identifie son talent et qui, en 2005, commence à montrer son travail à Paris. Marion Peck vit aujourd’hui à Portland aux Etats-Unis.