Mark Jenkins Américain, 1970

« Pour moi, une œuvre d’art doit avant tout être une question ». Une question que Mark Jenkins se plaît à adresser aux passants en mettant en scène ses sculptures dans l’espace public. Avec lui, la rue n’est jamais abordée seulement comme un lieu d’exposition mais toujours aussi comme un espace à partir duquel il est possible de créer des événements.

 

Initié en 2003, son travail relève tout à la fois de la sculpture, de l’installation, de la performance et de l’expérimentation sociale. Comme le confesse lui-même l’artiste, « je voulais introduire le chaos dans le train-train quotidien des gens, générer une tension, et voir leurs réactions. Je voulais que les passants lèvent la tête de leurs mobiles et se reconnectent à la vie réelle. »

 

Ayant pris conscience qu’une sculpture n’était pas seulement un objet inerte, si artistique soit-il, mais que cet objet pouvait venir modifier l’espace qui l’environne et interagir avec les spectateurs, l’artiste réalise des sculptures humaines d’un réalisme saisissant, habillées de vêtements et coiffées de perruques. Ces personnages évoquent des figures typiquement urbaines, assez banales pour se fondre de façon anonyme dans le décor urbain. Tout se passe comme si les œuvres étaient cachées ou camouflées par leur hyperréalisme, les gens pouvant aisément passer à côté d’elles sans même s’apercevoir qu’ils viennent de passer devant une sculpture et non devant un être réel.

 

Ces corps, dont seule l’apparence est humaine, l’artiste choisit de les placer dans des endroits et situations inattendus, risqués ou absurdes : endormis sur un panneau publicitaire, jetés dans une benne à ordures dont seules les jambes dépassent, perchés en équilibre en haut d’un immeuble, appuyés contre un mur où leur tête semble être enchâssée ou encore trônant, canne à pêche à la main, au beau milieu d’une fontaine. Affranchis de leur poids et des barrières que leur fixerait l’esprit humain, les corps défient alors la gravité aussi bien que les conventions sociales.

 

Pour l’artiste, ces mises en scène percutantes et insolites constituent avant tout une « expérience sociale d’altération de la réalité ». Une expérience qu’il documente en photographiant les réactions des gens qui découvrent ses installations. Dès lors, les témoins ne sont plus de simples spectateurs mais des acteurs de l’installation : que ce soient des passants, des pigeons, des pompiers… tous font désormais partie intégrante de ses installations.

 

Le réalisme des corps, allié à l’aspect invraisemblable des situations, fait ainsi se rencontrer en plein cœur de la ville et aux yeux de tous le banal et l’extraordinaire. Face à ces clones humains qui s’affranchissent des normes, le passant intrigué hésite entre amusement et stupéfaction, entre une explication rationnelle ou magique de la situation. Une faille surgit dans la routine habituelle : le quotidien perd son aspect rassurant et devient le lieu de tous les possibles.

 

Mark Jenkins est né en 1970 à Fairfax, il vit et travaille à Washington D.C. Ses œuvres ont été présentées dans le monde entier : États-Unis, Brésil, France, Espagne, Italie, Irlande, Suède, Russie, Corée du Sud, Serbie, Japon. Son travail a été exposé au sein d’institutions muséales comme la Kunsthalle Wien (Autriche), le Perm Museum of Contemporary Art (Russie), le Centre Pompidou (France) ou le Beirut Art Center (Liban).