« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. »
– Victor Hugo
Après avoir résonné tout l’été 2022 sous les voûtes de la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier dans le cadre du partenariat entre la Métropole d’Orléans et la galerie Danysz, l’exposition collective « Tumultes » est présentée chez Danysz Paris – Marais. Icy and Sot, Liu Bolin, Robert Montgomery, Charles Pétillon, Rero et Saype, nous invitent au cœur d’une réflexion profonde sur la place de l'Homme dans le monde que nous habitons.
Interrogeant à travers des techniques très différentes la question du rapport de l’Homme à la Nature et au Vivant, ainsi que la défense de l’Environnement – enjeu majeur de notre époque contemporaine – ces artistes témoignent de parcours et pratiques riches et divers néanmoins s’inscrivant tous dans l’exploration et l’incarnation de ces thématiques. En effet, ces citoyens du monde éclairent chacun à leur manière l’enjeu écologique avec leur outil de prédilection : l’art sous forme de vidéo, photo, performance ou installation. Différents médiums empreints de leur sensibilité au monde qui nous entoure, avec cette idée chevillée au corps et au cœur d’un art contemporain qui interroge et véhicule des émotions et messages poignants.
Les frères Icy and Sot mêlent dans leurs travaux, le témoignage de leur propre migration et exil aux Etats-Unis aux questions contemporaines portant sur le climat et la nature. Pour « Tumultes », le duo d’artistes engagés présente des vidéos et photographies soulignant l’urgence climatique et mettant en exergue les multiples empreintes laissées par l’humain sur la nature. C’est donc notre société actuelle que donne à voir leur travail, avec tous ses travers, ses dysfonctionnements et ses tragédies. Cependant, c’est toujours l’espoir et la résilience qui se font jour et qui prédominent au sein des œuvres du duo iranien.
Artiste reconnu pour son utilisation du camouflage afin de se fondre dans le paysage (à moins que ce ne soit le paysage qui l’absorbe), Liu Bolin nous invite à découvrir des photographies de sa célèbre série « Invisible Man », ainsi qu’une sculpture faite de cartes mère. Une façon de faire corps littéralement avec la nature et de sonner le glas d’une vision binaire de l’homme séparé de son environnement et nous inviter à nous demander si notre espèce ne serait pas tout près de se dissoudre dans les structures technologiques, économiques et politiques de notre époque.
Quant à Robert Montgomery, l’artiste poète post-situationniste invité d’honneur à la COP26 réalise des tableaux, des performances, des vidéos et des installations lumineuses où la poésie se met au service de la cause écologique. Teintés de mélancolie, ses mots sont parfois habités par le pressentiment d’un naufrage existentiel. Parfois aussi pleins d’espoir. L’écologie, l’apathie, l’aliénation sont parmi ses thèmes récurrents, avec cette idée sous-jacente que « l’art peut être transformateur ». Les œuvres engagées de l’artiste, nous invitent à préserver la Terre et à retrouver le lien qui nous unit au monde.
Marqué par le Land Art, mouvement artistique des années 1960 où la nature elle-même est utilisée comme une composante de l’œuvre d’art, Charles Pétillon met en exergue l'empreinte de l'Homme sur son environnement, les relations complexes entre nature et société. Ses interventions in situ dans des lieux peu fréquentés ou en pleine nature, immortalisées par ses photographies, sont des phrases poétiques, énigmatiques et sobrement énoncées. Elles cherchent à faire affleurer à la conscience un état des choses, une étrangeté, un paradoxe lié à notre époque. Elles nous éveillent à une situation donnée qu'on aurait tendance à oublier, à négliger ou à méconnaître.
Également exposé, le travail aux messages intrigants de Rero qui utilise de façon systématique la police d’écriture Verdana, l’une des plus utilisées, pour tracer des mots ou des phrases qu’il raye immédiatement. Une approche conceptuelle qui lui permet d’énoncer et de contredire tout à la fois pour mieux interroger la nature ambivalente des choses et les codes de nos sociétés contemporaines. Selon l’artiste, l'art ne vise pas à résoudre les problèmes, mais à susciter des questions, des élans de conscience face à la myriade de problèmes de notre monde. D'où le caractère écologique de sa création artistique et son exigence éthique vis-à-vis de la nouvelle génération.
Sans oublier Saype, artiste qui se distingue par ses interventions monumentales à même le sol sur des milliers de mètres carrés d’herbe, de terre ou de sable, qui dévoilent toute leur ampleur vu du ciel. Avec ce travail par nature éphémère, combinaison entre street-art et land-art, il interpelle nos sociétés sur nos excès tout en appelant à davantage de solidarité. Passionné par les questions philosophiques et existentielles, Saype explore les problématiques autour de l’humanité et de la nature. Cette démarche le mène à créer des scènes dans les endroits les plus insolites avec une peinture éco-responsable et biodégradable sur l'herbe.
Ainsi, à travers « Tumultes », les artistes exposés nous font part de l’importance qu’ils accordent aux enjeux environnementaux qu’ils placent au cœur de leur art, faisant de la nature et de l’environnement non seulement des principes fondamentaux qui les définissent en tant qu’artistes mais aussi un engagement illustrant leur rapport au monde.