"Le temps consume et transforme"
En roulant sur de couteuses bombes de peinture avec une voiture ou en brûlant négligemment des toiles fraîchement réalisées, Shoe met en scène l'arrogance du capitalisme dans un monde néolibéral où se procurer du matériel pour peindre est un luxe pour beaucoup. Cette attitude nonchalante est une prise de position ironique dans le climat socio-économique actuel, tout autant qu’une critique à peine voilée du monde de l’art contemporain actuel, souvent perçu comme de plus en plus élitiste.
Dans les œuvres de Shoe, la voiture (une Buick Park Avenue de 1992) est utilisée comme un pinceau, un instrument dont les traces créent un motif. La voiture est centrale dans le processus et est présentée dans toute sa splendeur en tant que source évidente et témoignage des signes picturaux.
Une vidéo de la création des toiles, réalisée par le collaborateur de longue date de l’artiste, Sander Lanen, est montrée dans l'exposition : le moteur de la voiture gronde, les bombes de peinture sont disloquées de manière brutale et déversent de la couleur sur les surfaces blanches, qui sont découpées et purgées comme des plaies ouvertes. L'aspect performatif au cœur de cette méthode de travail rappelle la longue lignée de peintres de l’ « action painting » du XXe siècle.
De l'artiste catalan Antoni Tapiès, qui a utilisé des matériaux dits "pauvres", à Pollock, qui a introduit une forme différente de gestuelle à travers sa technique de "dripping", jusqu'à l'approche interactive des artistes japonais du mouvement Gutai, la spécificité de l'action picturale de Shoe explore non seulement les résidus picturaux laissés sur les toiles, mais aussi l'aspect spatial du processus de création. Même la combustion des toiles, rappelant les "Combustioni" d'Alberto Burri, entre autres, témoigne de la tentative de Shoe de s'approprier des éléments des pratiques artistiques historiques pour les transposer ensuite dans le contemporain.
Les traces créées par les roues de la voiture peuvent également être considérées comme un développement supplémentaire dans la pratique de Shoe. Connu internationalement pour son art du graffiti, Shoe a commencé à expérimenter la calligraphie et a fondé ce qui est aujourd’hui connu comme le « Calligraffiti » ; une expérimentation portant sur la nature et l'esthétique du langage écrit.