Charles Pétillon: Modulations Domestiques

« Modulations Domestiques » marque une transition majeure dans l’œuvre de Charles Pétillon, avec un propos qui lui aussi évolue. Là où ses « invasions », ainsi qu’il les appelle, se traduisaient par des effets d’accumulation et de saturation, repoussant les limites des objets et de l’espace, ses œuvres récentes procèdent maintenant par interaction. Il s’agit de prolonger l’architecture, d’en souligner les spécificités et d’entrer en dialogue avec elle. Les formes se structurent, s’organisent, allant même parfois vers des lignes plus épurées.

S’appuyant sur le même motif minimaliste de la sphère blanche, Pétillon élargit son champ d’intervention, passant de la mise en scène photographique à des installations physiques et pérennes aux formes épurées, conçues pour s’insérer dans un intérieur. Ces nouvelles œuvres au format domestique s’inscrivent dans le sillage de nombreuses interventions artistiques réalisées in situdans des villes comme Pékin, Macao, Bordeaux, et plus récemment à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle avec une réalisation de grande dimension suspendue dans l’un des terminaux.

Les ballons blancs utilisés par Charles Pétillon dans ses installations photographiques se sont prêtés à différentes mises en contexte. Mais à plusieurs reprises, il les a mis en scène de façon aérienne (Cloud Computing, Mutations, séries des Ribambelles...). C’est dans cette même filiation que s’inscrivent ces sculptures aériennes, évocatrices de nuages aussi bien par leurs formes que par leurs noms.

L’histoire de la sculpture moderne et contemporaine a été traversée par de nombreux gestes visant à libérer les oeuvres de la contrainte du poids et à s’affranchir des modalités de présentation traditionnelles au profit d’un accrochage vertical. D’Alexander Calder à Ernesto Neto, de nombreux artistes ont ainsi cherché tout au long du XX° siècle à conférer à leurs oeuvres une dimension plus aérienne. C’est dans cette tradition que Charles Pétillon s’inscrit avec ces oeuvres qui constituent de véritables sculptures suspendues.

Charles Pétillon pratique ce qu’on pourrait appeler l’art du haïku visuel. Ses compositions partagent avec les fameux poèmes japonais une même inclination pour l’instantané, l’évocation concise de la nature insaisissable du monde, le tout avec une simplicité de moyens qui n’est qu’apparente. Dans ses installations photographiques, il ne reste plus que le silence qui suit le départ de l’homme et son absence.

Ce que cherchent à mettre en exergue les œuvres de Charles Pétillon, c’est l’empreinte de l’homme sur son environnement, les relations complexes entre nature et société. Mettre en exergue, et non pas déchiffrer ou expliciter. Apparaît alors un monde en suspension, où les choses ne sont ni encore actées ni définitives, mais maintenues sciemment dans un champ des possibles. Un état suspendu qui échappe aux œuvres elles-mêmes et se prolonge dans le temps et dans l’esprit du regardeur.