Ursula Biemann, Janet Biggs, Elena Kovylina , Malinowska & Jasper, Shannon Plumb : Fucking Beautiful

9 Septembre - 7 Octobre 2017 Paris

PARCOURS VIDEO

 

Ursula BIEMANN ? Subantlantic

L??uvre d?Ursula Biemann, à la fois artiste, théoricienne et commissaire d?exposition, docteur honoris causa en sciences humaines de l?université d?Umeå et récipiendaire du prix Meret Oppenheim, occupe une place unique aux croisements entre science et poésie, éco-génétique et épigénétique, chimie et métaphysique, nature et culture, passé et futur, observation et appréhension, image et texte. La vidéo est pour Biemann un environnement de vie, de découverte, de relation. Les collages qui fondent l?art vidéo lui permettent de réunir tous les temps qui l?habitent et, au-delà du temps, des dynamiques qui ne sont plus centrées sur l?humain.
    Subatlantic, par une sorte de contre-géographie spatio-temporelle magique, nous emmène jusque dans un temps transhumain ? 12.000 ans en arrière, à la fin de la précédente ère de glaciation. Et de là nous suivons la fonte des glaces jusqu?à un futur lointain ? ou peut-être proche ? dans lequel la vie sera subatlantique ou ne sera pas. Nous explorons des traces du futur, des écosystèmes planétaires et des forces convergentes qui abolissent toute distinction et toute hiérarchie entre nature et culture et, par l?intermédiaire d?un processus relationnel complexe qui s?établit entre nous qui regardons et l?artiste qui nous donne à voir ses images, nous percevons la poésie du monde et la présence invisible mais sensible d?une science incarnée. L??uvre de Biemann, face à l?oubli, à l?obsolescence, à la simplification, à l?ignorance, aux prédictions et aux ?illères de toutes sortes, est un contre-pouvoir aussi puissant que poétique.
C?est FUCKING BEAUTIFUL et le script de Subatlantique en témoigne dans toute sa magie.




 
Janet BIGGS ? Vanishing Point

Janet Biggs travaille sur les correspondances, les mondes parallèles, à la manière de Baudelaire, Comme de longs échos qui de loin se confondent, Dans une ténébreuse et profonde unité ? mais aussi à sa manière très personnelle et singulière : les mondes parallèles de Biggs nous sont proposés comme des collages « qui de loin se confondent ». Dans ces collages, ce sont bien des mondes complets en eux-mêmes que Biggs juxtapose en parallèle, et non des fragments. Et nous voyons soudain d?un même regard, d?un même tenant, ce qu?en général nous voyons séparément. Nous voici bénéficiant d?une vision élargie, comme celle des oiseaux, des artistes ou des dieux. Les vidéos de Janet Biggs procèdent de jonctions superlatives entre des mondes aussi différents que la vitesse folle atteinte par l?américaine Leslie Porterfield, championne nationale de vitesse en moto, nommée par deux fois « la femme la plus rapide du monde »  en moto sur le Lac salé à Bonneville (Utah) et les chants gospel, à New York, d?un ch?ur de personnes en réhabilitation pour toxicomanie. Le ch?ur chante « Help me to fly » (les paroles sont de Biggs) et la concentration extrême de Leslie Porterfield semble soudain portée par ce chant à la gloire de la transcendance. Un chant à distance mais si proche.
    

« I first went out to the salt flats in 2007 for a "go/see". During the trials, I saw a woman, Leslie Porterfield, crash at over 100 miles per hour.  She broke seven ribs, punctured her lung, and had a severe concussion.  They had to helicopter her out.  Half a year later, I heard that Leslie Porterfield was going back to race at Bonneville in 2008 and was more determined than ever.  I knew I needed to go back to and film her, in the otherworldly landscape of Utah's salt flats. The salt flats are stunningly beautiful, but brutal. Leslie let me wire her bike with a small camera on one of her runs ... a run where she set a (non-gendered) world speed record, with a top speed of 234 miles per hour. »
    
    It was so FUCKING BEAUTIFUL.




 
Elena KOVYLINA ? Walz

C?est à Berlin en 2001. Elena Kovylina interprète sa performance Waltz. Pour l?occasion, elle porte une veste militaire et ses cheveux blonds sont coiffés en chignon. Autour d?elle, le public est rassemblé dans un hangar digne d?une apocalypse joyeuse. On entend la chanson Lili Marleen, la dérive peut commencer. Sur une desserte, Elena Kovylina a disposé douze verres qu?elle remplit de vodka devant les spectateurs. Dix-sept canettes de Coca-Cola, rouges et blanches, sont également disposées à côté des verres d?alcool, manière illusoire d?adoucir le cocktail qui s?annonce musclé. L?artiste avale un shot de vodka et accroche une première médaille à sa veste kaki, en guise de récompense. Ensuite, elle choisit un homme dans l?assemblée et l?invite à la faire valser. La valse, voilà ce qu?elle veut et voilà ce qui l?entraînera jusqu?au bout d?elle-même.
Ainsi un homme et une femme dansent devant des inconnus. Puis ils s?interrompent. Elle boit un deuxième verre et fixe une nouvelle médaille à son veston. Elle propose à un autre homme de valser. La voix de Lili Marleen/Marlene Dietrich poursuit ses volutes dans la nuit. Elena Kovylina boit un troisième verre de vodka, le jette au sol, absorbe une petite gorgée de Coca, saisit une médaille et l?agrafe. La danseuse tourbillonne, ses gestes deviennent de moins en moins sûrs, elle s?approche d?un autre homme. Le tourbillon se transforme en tournis. Elle s?arrête, boit de nouveau. Cinquième médaille, sixième. Elle chancelle. Elena Kovylina est ivre, les bras des inconnus la soutiennent, elle ne tient presque plus debout mais elle tourne, elle danse toujours. Il n?est pas question de suspendre le bal : l?ivresse et la dépossession doivent atteindre un cran supérieur. L?artiste tombe et se relève. Elle ne tient plus sur ses jambes. Cela s?appelle jouer avec le feu.
C?est troublant, c?est puissant, c?est beau et c?est triste. C?est intemporel. C?est FUCKING BEAUTIFUL.    



 
Joanna MALINOWSKA & C.T. Jasper,     
Halka/Haiti 18°48?05?N 72°23?01?W


Quand l?Histoire devient histoire : Haïti en pleine rébellion ? Napoléon envoie des soldats polonais pour mâter la révolte. Et le bataillon polonais de prendre la voie vers l?île lointaine, prêt à défendre l?honneur de Napoléon. Mais une fois sur place, voici que les survivants de la fièvre jaune changent de camp : les Polonais ne sont-ils pas depuis toujours en lutte pour leur propre indépendance ? Comment pourraient-ils, dans ce cas, combattre l?indépendance de Haïti ?

Sur la base de cette H/histoire, Malinowska pose les questions qui lui sont chères : Qu?est-ce que l?identité d?un peuple ? Comment se décline-t-elle aujourd?hui ? Comment, en tant qu?artistes, revisiter cette extraordinaire histoire montrant la supériorité d?une vision du monde basée sur un indéfectible amour de l?indépendance plutôt que sur un ordre du monde dicté par les puissants ? Les artistes, alors, se tournent vers ce que la culture polonaise a de plus classique : son opéra national et vers ce qui est aussi un point d?orgue du travail de Joanna Malinowska : la musique. Halka est l?héroïne de la première grande ?uvre lyrique éponyme de Stanislaw Moniuszko, l?opéra favori des Polonais. Prête à tout donner pour obtenir l?amour tant espéré de Janusz, père de son enfant mais sur le point d?épouser la fille d?un notable, la modeste Halka tente d?abord de se venger en mettant le feu à l?église de la cérémonie, puis se ravise et se jette dans la rivière sous les yeux de celui qui l?aime, éteignant dans l?eau une flamme trop brûlante. À la fois modeste par sa vie et fantastique par son destin, Halka évoque les roussalki, ces êtres fantastiques de la mythologie slave qui, en hiver, se retirent dans leur palais de glace au plus profond des eaux douces. Mais où sommes-nous, réellement ? La réponse est dans le titre : 18°48?05?N 72°23?01?W. Sortons les boussoles : nous voici à l?ère de la localisation scientifique. Les frontières ont disparu, il ne reste que des latitudes et des longitudes. Le monde, en somme. Un monde de toute beauté, dans lequel, à la Biennale de Venise, nous plongions comme dans une réalité, immergés dans l?image en trois écrans. Une pièce unique a été réalisée ultérieurement, mono-écran ; c?est celle ci qui est présentée ici. Nous sommes en Haïti.
FUCKING BEAUTIFUL ? et totalement singulier.

« Beauty in its truest form seems to be a byproduct, rather than a conscious effort. Beauty needs a scar (at least 18  cm long as in Salman Rushdie's novel), it needs a false note or tiny birthmark in order to be perfectly beautiful. All of the above seem to apply to Halka/Haiti 18°48'05?N 72°23'01?W. »

 


Shannon PLUMB, Rattles and Cherries

Shannon Plumb semble une adolescente un peu défaite par la tristesse, perdue dans un monde d?adultes qu?elle ne veut toujours pas rejoindre. Trop bien dans ses rêves, entre ordinaire et extraordinaire, elle a cette capacité qu?ont les poètes du quotidien de transformer leur vie, celle de leurs aimés et la nôtre en un pays des merveilles où Peter Pan et Alice se jaugent comme le lapin et la fée Clochette ou encore Charlie Chaplin et Buster Keaton. Shannon Plumb filme et joue, joue à tour de rôle tous ses personnages, masculins ou féminins, seule le bébé est un bébé ? son bébé ! Le tout filmé en noir et blanc, en super 8 transféré sur vidéo, en qualité immédiatement vintage, avec un mélange unique de tendresse, de tristesse voire de désespoir, d?humour ou de drôlerie plutôt, de distance, d?engagement, d?amour, d?éros et de dérision.

« This video is so FUCKING BEAUTIFUL because it encompassed many ?firsts? for me.  When I set up my camera to film Rattles and Cherries I was just beginning motherhood, the boy in the film was my first son, I was home alone breast feeding while getting ready for my first solo show. It was my first attempt at trying to be an artist and a mother at the same time. Becoming a mother is so Fucking Beautiful ? but it is sucks, too. »



 
Lee YANOR, Only one story
Première mondiale


Une seule histoire car il n?y en a qu?une. Lee Yanor se réfère à Selma Lagerlof, première femme prix Nobel de littérature, La merveilleuse histoire de Nils Holgerssons? Une seule histoire : elle l?aimait, il l?aimait, et puis l?un des deux arrêta d?aimer l?autre. Les fleurs tombent du haut de l?écran, la main les saisit, ou non, les tient un instant au creux de sa paume avant que celle-ci ne s?ouvre et ne les laisse tomber. Les fleurs disparaissent, en bas de l?écran. Le bruit de la vie, en parallèle : de la ville et de la vie, les battements du sang dans les vaisseaux. Plus tard, un homme passe, une femme danse, une femme court, un homme joue du piano, jusqu?à l?image finale d?une autre femme ou peut être la même qui déverse de l?eau sur elle-même ? l?eau de la mer que l?on vit aussi ? Le mystère reste entier. Il faut revoir cette histoire, encore?  La répétition des actions ? des non-actions ? appelle la répétition du regard. Une seule histoire qui n?en est pas une ou qui les contient toutes.

« The repetitions of actions and interferences in ONLY ONE STORY opens up the possibility of a unified yet enigmatic story, synthesizing an ever-changing point of view. I wanted to flood the screen with underwater shots, beating blue heart turned inside-out, like coming from a deep strata of consciousness. Running in parallel and intersecting,
Beauty and disaster,
Floating and drowning,
Grasping and missing,
Outside and inner,
In a loop of time and space. »